Cela fait treize mois aujourd'hui, mardi 11 février, qu'Aaron Swartz s'est donné la mort. En son honneur, partout sur le Réseau, a lieu «The Day We Fight Back», le jour où nous contre-attaquons, qui vise à dénoncer en particulier la surveillance généralisée, d'où la bannière que vous devriez voir sur cette page.
Ma contribution, à part cet article de blog et cette bannière éphémère qui devrait apparaître, a consisté à parler de lui samedi dernier à l'occasion de la réunion bimensuelle du groupe d'utilisateurs de logiciels libres de Perpignan.
Né en 1986 à Chicago, mort à 26 ans à Brooklyn, Swartz est entré à titre posthume en juin 2013 a l'l'Internet Hall of Fame. Militant et hacktiviste d'Internet, il participe très jeune à des projets cruciaux pour un Internet et un Web ouverts. Vers l'an 2000, il collabore avec le W3C s'agissant de standards comme RSS, et plus tard avec Lawrence Lessig sur les licences Creative Commons, qui permettent de diffuser des œuvres de manière ouverte. Il gravite aussi autour de l'Internet Archive et de l'Open Library.
Après un bref passage par l'université de Stanford, il fonde sa compagnie d'informatique, qui plus tard fusionne avec Reddit, qu'il quitte à son rachat par Condé Nast. Il crée avec Simon Cartensen Jottit, une plate-forme qui permet de créer facilement son site web. Il se consacre alors plus spécialement à l'action politique. Il est connu pour être un des architectes de la victoire contre SOPA et PIPA, deux lois qui prétendaient contrôler l'accès au contenu sur Internet pour de sombres motifs de droits d'auteur, qui auraient fait voler en éclats le système des DNS et l'universalité d'Internet.
Parfois, Aaron Swartz militait de manière active pour la libération de données, comme quand il met à disposition du public des comptes rendus de jugements étatsuniens (base de données PACER), ce qui n'a guère plu au FBI, qui ne pouvait rien faire, s'agissant de données publiques. Il en est allé autrement lorsqu'il a décidé de télécharger en masse des articles scientifiques du catalogue JSTOR, accessible depuis le campus du MIT, mais payé par l'université. Que pensait-il faire de cet ensemble de publications ? Nous ne le saurons jamais avec certitude, puisqu'il ne l'a pas expliqué de son vivant, mais il est possible qu'il ait eu pour objectif de les analyser en employant des techniques d'exploration de données (data mining). Quand bien même la méthode est questionnable, la réponse de la justice était exagérée : s'appuyant sur le CFAA (Computer Fraud and Abuse Act), d'interprétation trop large, elle le menaçait de trente-cinq ans de réclusion. Ses avocats œuvraient pour réduire fortement la peine, mais les procureurs insistaient pour que Swartz aille en prison dans tous les cas. Le rôle joué par le MIT dans cette affaire n'est pas bien clair, et il semble que la neutralité qu'il invoque ne convenait pas à une institution comme celle-ci. Il est bien loin les temps des premiers « hackers », relaté avec brio par Steven Levy dans son livre L’Éthique des hackers...
Plus d'un des orateurs qui son intervenus au cours de la cérémonie organisée en son honneur à l'Internet Archive en Californie ont insisté sur le fait qu'Aaron est mort, mais que ses idéaux persistent ; il faut qu'il y ait d'autres Aaron. Et il y en aura. Ils sont déjà là. Et nous gagnerons. La technologie n'est pas neutre — contrairement à ce que prétend une instance administrative de second rang comme Hadopi. L'existence d'Internet implique des changements profonds dans la structuration de nos sociétés. Nous devons en garder le contrôle et en assurer un fonctionnement démocratique.