Le château de Puèglaurenç, ou Puilaurens en français, est un de ces fameux « châteaux cathares », comme ceux de Peyrepertuse et de Quéribus quelques kilomètres avant, et ceux de Puègverd (Puivert) et Montsegur (Montségur) en Ariège. Administrativement, il appartient au département de l'Aude, mais de fait, historiquement, Puilaurens est la continuation des Fenouillèdes.
Le mot « cathare » rappelle que le pays fut particulièrement maltraité par l'infâme Simon de Montfort, pendant la croisade des Albigeois, épisode de triste mémoire pour les terres occitano-catalanes. Pour diverses raisons, les gens s'identifient plus facilement à cette période qu'à leur appartenance au Languedoc et à L'Occitanie ; rappelons que cette dernière est une construction relativement récente, qui reste trop théorique pour beaucoup. Cependant ces constructions étaient fondamentalement à usage militaire, bien que beaucoup de gens viennent les visiter par mysticisme.
Le château
Au Moyen Âge sa position était stratégique, jusqu'en 1659 il gardait la frontière entre le royaume de France et le comté de Barcelone/royaume d'Aragon. Bâti sur une colline particulièrement escarpée, il communiquait à l'est en aval de la Boulzane avec le reste des Fenouillèdes et la plaine de l'Agly, et deux autres châteaux, Peyrepertuse et Quéribus dans le massif des Corbières. À l'ouest, il n'y avait pas de route vers Quillan, avant que l'on commençât à ouvrir péniblement un passage dans les gorges de l'Aude. Au sud toutefois, en amont de la Boulzane, on pouvait rejoindre Prades. De fait, comme le montre la photo n°2, on aperçoit la cime du Canigou à l'horizon ! Vers l'an mil, ces terres appartenaient à l'abbaye de Sant Miquel de Cuixà, dans le Conflent. Pour des raisons climatiques, on ne pouvait pas y cultiver de blé, si bien qu'on venait le chercher à Puilaurens ; jetez un coup d'œil sur la carte et imaginez le trajet que ce devait être avec un char à bœufs !
Le château appartint aux seigneurs de Peyrepertuse jusqu'au milieu du treizième siècle, avant de tomber dans les mains du royaume de France. À ce moment, la technique de construction change quelque peu. Avant les murailles étaient constituées de blocs irréguliers, relativement plats et couches à quarante-cinq degrés (construction dite occitane) ; après, Louis IX envoie des tailleurs de pierre français qui réalisent des blocs bien carrés.
On entre par un chemin en zig-zag et une barbacane dans la partie nommée « basse-cour », où on gardait les bêtes et la volaille, d'où l'acception désormais plus habituelle de ce mot. La photo n°3 montre ce qui semble aujourd'hui être une grande cour, et qui en fait était un ensemble de constructions il y a quelques siècles. Au nord était une poterne, c'est-à-dire une petite porte, difficilement accessible et bien défendue, par laquelle pouvait passer un émissaire pour négocier au cours d'un siège. Les tours les plus vieilles sont semi-circulaires, « ouvertes à la gorge ». Certaines cependant furent fermées lorsque se répandirent les armes à feu.
Sur la photo n°4 on voit la seconde enceinte, celle du « donjon », même s'il faut savoir que cette appellation est erronée, puisque le château était, comme nous l'avons dit, à usage militaire, et non la demeure d'un noble. On y conservait les vivres dans un couloir naturel où circule toujours un courant d'air froid. En haut, les mâchicoulis protégeaient la partie la plus « vulnérable » de l'édifice — vulnérabilité toute relative tant la forteresse était imprenable. On y trouve aussi les latrines, suspendues à plus de cent mètres au-dessus du sol.
Cette enceinte comprend deux tours. La première, connue sous le nom de donjon, est carrée, et de construction plus récente qu'on ne le croyait jusqu'à il y a peu ; historiquement, on a cessé de construire des tours de cette forme dès l'apparition des armes à feu, qui en fragilisaient facilement les angles. La seconde, dite « tour de la Dame Blanche », est ronde, observez sur la photo n°6 sa voûte remarquable, très bien conservée. On dit que la nièce de Philippe le Bel y séjourna, au cours d'un voyage qui l'amenait en Espagne, où elle devait se marier avec je ne sais quel noble castillan. Ce dernier s'intéressa peu à elle, puisqu'il l'emprisonna jusqu'à ce que mort s'ensuivît. Depuis cette époque son ectoplasme hante cette tour, et de temps en temps elle apparaît sur les photos des touristes, pour peu qu'elles soient argentiques.
Dans chaque enceinte on trouve une citerne de 25 m3 qui recueillait les eaux pluviales, ce qui représente une quantité d'eau impressionnante pour ce type de monument. Un technicien était dédié à la construction et à la maintenance. On aperçoit des traces de « sang de bœuf », c'est-à-dire d'argile mêlée au mortier, qui gonflait et imperméabilisait l'ouvrage.
Les alentours de Puilaurens
Depuis la seconde guerre mondiale, l'agriculture et l'élevage sont beaucoup moins présents. La forêt occupe désormais l'espace qui y était consacré, comme dans beaucoup d'endroits délaissés au profit de l'agriculture intensive. Vous êtes sûrement déjà tombés sur des vestiges d'enclos perdus dans le bois. On y trouve des conifères, et des hêtres plus en altitude.
La vallée de la Boulzane est une vallée glaciaire en U, je ne sais pas si ça se voit sur les photos, très agréable à la belle saison. Sur la rive droite affleure clairement un massif karstique, avec quelques grottes (avant-dernière photo) ; l'une d'elles s'appelle la « grotte de l'œil ». Au Moyen Âge des ours y hibernaient. On y a également trouvé des restes du magdalénien (paléolithique supérieur).
Le village de la Pradelle en aval (dernière photo) date de l'arrivée du chemin de fer au dix-neuvième siècle (remarquez le pont ferroviaire).
Quel beau château! Et quel
Quel beau château! Et quel talent pour en parler!! :)
Merci !
Děkuji, jste moc laskavá.